1 Que vous dire de plus, frères ? Soyez joyeux dans le Seigneur.
Cela ne me coûte pas de le répéter et pour vous c’est plus sûr : 2 prenez garde aux chiens, prenez garde aux mauvais ouvriers, prenez garde au groupe des circoncis ! 3 La circoncision, c’est nous qui l’avons, puisque nous servons Dieu en esprit et nous nous appuyons sur le Christ et non sur des sécurités humaines.
4 Parlant de références humaines, moi aussi j’aurais sur quoi m’appuyer. Si un autre pense s’appuyer sur quelque mérite humain, je le peux davantage. 5 Né de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu et fils d’Hébreux, j’ai été circoncis au huitième jour.
Etais-je religieux ? Oui, j’étais Pharisien, 6 et convaincu jusqu’à persécuter l’Eglise. Est-ce que j’étais un juste selon la Loi ? Oui, je n’avais rien à me reprocher.
7 Mais avec le Christ, tous les avantages me sont apparus comme des poids morts. 8 Je dirai plus : tout me semble poids mort à côté de la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur, si extraordinaire ! A cause de lui, je n’ai plus trouvé de valeur à rien, et je regarde tout cela comme des résidus quand je cherche à gagner le Christ.
9 Et je veux me retrouver en lui, sans aucun mérite à moi, sans cette droiture qu’on attend de la Loi, mais avec celle qui vient de la foi selon le Christ, cette vraie droiture que Dieu donne au croyant. 10 Je veux le connaître lui, et la force de sa résurrection, partager ses souffrances jusqu’à lui ressembler dans sa mort 11 pour au moins atteindre la résurrection d’entre les morts.
12 Je ne suis pas encore au but, je ne suis pas encore un “parfait”, mais je poursuis ma course : ne vais-je pas saisir, comme j’ai été saisi moimême par le Christ ? 13 Frères, je ne me crois pas déjà qualifié, mais je reste tendu de l’avant sans plus penser à ce que je laisse derrière, 14 et je cours les yeux fixés sur le prix de la vocation divine, je veux dire de l’appel de Dieu dans le Christ Jésus.
15 Nous tous qui nous disons “parfaits”, voilà notre objectif, et si vous ne voyez pas encore les choses ainsi, Dieu vous les fera voir. 16 Au moins, ne perdez pas ce que vous avez conquis.
17 Frères, soyez mes imitateurs et prenez exemple sur ceux qui suivent notre exemple. 18 Car il y en a, je vous l’ai souvent dit et je le répète avec larmes, qui vivent en ennemis de la croix du Christ. 19 Ils vont à leur perte car ils ont pour dieu leur ventre ; pour eux, seul compte ce qui est de la terre, et ils se vantent quand ils devraient avoir honte.
20 Nous, au contraire, notre cité nous attend dans les cieux, et de là nous attendons notre sauveur, Jésus Christ, le Seigneur. 21 Car il transformera notre corps misérable, avec cette force qui lui permet de soumettre même l’univers, et il le rendra semblable à son propre corps glorieux.
Le discours semble s’interrompre ici. Paul commence une violente polémique contre les Juifs mal convertis qui ne cessent de répéter qu’il faut d’abord être fidèles aux lois et aux coutumes de l’Ancien Testament, pour être de bons chrétiens.
Prenez garde aux chiens... ! (v. 2). Paul adresse aux Juifs les insultes qu’ils réservaient aux non-Juifs. Les Juifs étaient marqués par la circoncision, mais ils se moquaient volontiers des fidèles d’autres religions qui se faisaient des incisions (1 R 19,28).
Par ce que Paul nous dit ici de sa fidélité au judaïsme, nous apprenons quelque chose de son passé. Il était né à Tarse, de parents juifs qui avaient émigré et qui s’étaient installés en territoire “grec”. Ses parents étaient riches et bien considérés puisqu’ils jouissaient de la dignité et des droits de citoyens romains (voir Ac 22,28). A côté de la culture grecque, Paul avait reçu l’éducation religieuse de la Bible et du peuple juif. Il voyait de près les fêtes païennes et les sacrifices, et il se sentait fier d’appartenir au peuple de Dieu, d’être circoncis et instruit des promesses de Dieu à sa race. Ses parents l’envoyèrent à Jérusalem pour étudier l’Ecriture et la Loi avec les grands maîtres de son temps (voir Ac 22,3).
Paul devait être un Pharisien exemplaire. S’il n’a pas connu le Christ, il a rencontré les premiers chrétiens. Fidèle à la religion de ses pères, il fut parmi les premiers à persécuter, emprisonner et même tuer ces gens qui prêchaient une doctrine nouvelle et trompaient le peuple — c’est du moins ce qu’il pensait — avec leur Messie vaincu et crucifié.
Paul devait bien avoir par moments des doutes (Ac 26,14), et de plus en plus, à mesure qu’il lui fallait multiplier les violences contre les chrétiens : les Pharisiens étaient contre la peine de mort. Mais hésiter, faire marche arrière, c’était reconnaître que Dieu avait pris un autre chemin que celui où lui-même se faisait le défenseur de la cause de Dieu. Pire encore : avec Jésus, plus jamais il ne serait un juste mais un pécheur pardonné. Lorsque Jésus entre de force dans la vie de Paul, il lui fait tout perdre, et Paul désormais accepte de regarder comme des riens (8) tout ce dont il avait été si fier.
Sans plus penser à ce que je laisse (13). Paul ne veut qu’oublier. Oublier ses mérites et ses gains (selon le jugement des hommes) pour mieux recevoir la grâce gratuite de Dieu ; oublier ce qu’il sait déjà de Dieu, et être disponible pour de nouvelles expériences.
Je veux le connaître. Car ce qui est le plus grand, ce n’est pas de faire des miracles, ni de parler en langues, mais de connaître le Christ : le rencontrer comme une personne vivante. Je veux connaître la force de sa résurrection. Tous nous voudrions sentir la présence de Dieu et, d’une certaine manière, le voir : mais c’est en partageant les souffrances du Christ (2Co 1,3-5) que nous ferons l’expérience de sa force.
Nous tous qui nous disons parfaits (15). Voir ce qui est dit dans 1Co 2,6. Paul parle avec ironie de ceux qui croient appartenir à une classe supérieure de chrétiens : lui-même n’ose pas se considérer parfait (12).
Finalement, il insiste sur la résurrection. Parce que nous savons que nos corps (ou : nos personnes) vont ressusciter et que l’univers sera renouvelé, nous mettons les réalités qui passent à leur place : et dès lors les objectifs que nous nous fixons sur cette terre cessent d’être des idoles.